15 mars 2009

Zombis

Ils sont là putain, partout autour de moi.
Des saloperies de cadavres pourrissants qui marchent et qui grognent.
Ils puent la charogne et essayent de m'attraper à la moindre occasion.
Je ne peux même plus sortir de cette foutue cage à rat où je me suis enfermé. Je les entends gratter à la porte, le bruit devient insupportable : scriiitch scriiitch...
Je n'en peux plus, j'ai les nerfs à vif, les yeux qui piquent, le cerveau sans dessus dessous, je n'arrive même plus à réfléchir, ils ont envahi ma tête, je ne pense qu'à eux...
Voila plus de quinze jours que c'est comme ça, j'essaye de m'en débarrasser mais impossible de les tuer, même en leur tranchant la tête comme dans les films, rien à faire !
J'ai essayé de m'enfuir, mais ils sont partout, dans les villes, les campagnes, dans chaque immeuble, magasin... Ils ont envahi ce monde qui était le leur avant qu'ils ne crèvent, ils continuent tout simplement à vivre, si on peut appeler ça comme ça.

Je n'ai plus d'autre choix que de rester enfermé, isolé dans mon petit espace à moi, mais même ici ils essayent de venir, de violer mon intimité. Pourquoi est-ce qu'ils me suivent ? Pourquoi est-ce qu'ils veulent m'attraper ? Peut-être que finalement je devrais me laisser faire, peut-être que leur vie n'est pas si misérable et qu'enfin je pourrais me reposer, profiter simplement en traînant des pieds et en poussant des grognements de joie.
Mais quelque chose me pousse à survivre, à éviter ces monstres et à chercher une autre solution. Quelque chose qui vient du fond de moi, que je ne peux même pas contrôler, alors j'attends...
J'attends, toute la journée, toute la nuit, j'attends qu'ils s'en aillent, j'attends que quelqu'un vienne me délivrer. Mais qui ? Tout le monde est mort, ou du moins est réduit à l'état de cadavres rampants, ces cadavres qui veulent me faire découvrir leur monde, qui veulent accomplir leur dernière mission : me bouffer les tripes et me transformer en l'un des leurs.
Je les ai vues faire ces saloperies, de mes propres yeux. Ce devait être le premier jour de leur apparition, dans un centre commercial, j'me serais presque cru dans un mauvais film de série Z, mais bordel cette fois c'était bien réel. Le type devant moi s'est fait arracher la pomme d'Adam par la caissière, cette garce l'a avalé tout cru, puis elle a tourné ses yeux blancs vers moi...
Je préfère oublier le reste. En tout cas une chose est sûre : le vrai sang ne reste pas rouge très longtemps, il devient vite noir, il se recroqueville, se nécrose, pourrit et finit par former des croûtes suintantes. Mes petits copains en sont recouverts.
Mon coeur bât la chamade rien que d'y penser, qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce qu'il est humainement possible de faire dans une telle situation ? J'me suis demandé ce que feraient Batman ou Superman à ma place... Mais la question ne se pose pas, eux ils ont des gadgets ou des superpouvoirs, ils viendraient à bout de ces monstres en deux temps trois mouvements, mais moi ? Moi je suis qu'un petit humain banal, même un peu maigrichon, à peine un pas dehors et je me fais bouffer, déchiqueter, lacérer.
Trouver une solution. C'est ce qui me tient en vie je crois. Je veux trouver une solution à ce problème, sûrement le dernier qui se posera à moi, mais je ne veux pas crever sans avoir essayé de le surmonter.

J'en ai déjà essayé des moyens de leur échapper. Certains ont marché mieux que d'autres, mais à chaque fois ils arrivent à me retrouver, ils viennent gratter à ma porte, ils viennent hurler sous mes fenêtres, ils viennent dévorer des chiens errants sous mon nez répandant leur odeur putride jusque dans les maigres réserves de bouffe que j'ai réussies à sauver.
Boîtes de thon, boîtes de haricots, boîtes de raviolis, boîtes de flageolets... youpi.
Quelle vie misérable, quel bordel sans nom, quelle plaie ! Merde !
Putain mais des zombies ! Des zombies, ce n'est pas possible, ça n'existe pas, ce n'est qu'un fantasme les zombies, ce n'est pas réel. Comme les fantômes ou les farfadets, c'est sorti des l'imagination de quelques tarés qui se racontaient des histoires pour se faire peur.
Pourtant ils sont bien là, juste là, à quelques centimètres de moi...


Ca y est, ils sont entrés. A force d'entêtement ils ont réussi à percer les maigres défenses que j'avais mises en place.
Je suis las. Je crois que c'est ce qui m'a perdu. Je leur ai quasiment ouvert ma porte, ou du moins j'ai oublié de la fermer. A répéter les mêmes gestes j'ai fini par en oublier un. C'était le plus vital.
Ils sont rentrés, lentement, me fixant de leurs orbites vides, des dizaines et des dizaines de morts-vivants. Je n'ai pas eu peur, j'ai su que c'était la fin.
Prostré dans un coin j'ai attendu la mort. Elle s'est présentée à moi sous la forme d'une jeune fille lépreuse, la joue gauche arrachée d'un coup de dent. Elle m'a semblée jolie.
Lentement, doucement, comme pour ne pas me faire mal, elle m'a mordu l'épaule, m'arrachant un bout de bras avant de le mâcher patiemment.

Je suis allongé là, pissant le sang, tâchant la belle moquette qui recouvre mon dernier appartement. Dorénavant je n'aurai plus besoin de tout ça, moquettes, appartements, tout cela n'est rien, tout sera à moi, je pourrai déambuler librement, rentrer dans la première maison venue et y cracher des gerbes de sang.
La douleur me fait délirer.
J'entends mes petits camarades qui se trainent autour de moi, je crois qu'ils m'attendent. Je ne suis pas pressé de les rejoindre, je veux profiter de cette vie au maximum, jusqu'à la dernière seconde.
Finalement je crois que c'est rassurant de savoir que je ne disparaîtrai pas complètement, que je vais simplement me transformer, comme la chrysalide qui finit par devenir papillon, même si le papillon a les ailes arrachées et les antennes qui lui percent les yeux.
Je commence à les entendre, non pas les grognements habituels qu'ils émettent, mais leurs pensées, ou peut-être leurs impressions. Je ne sais pas comment définir ça, c'est très nouveau pour moi, c'est comme si je ressentais tout ce qui passe par ce qui leur reste de cerveau. Des sons, des odeurs, des reflexes, des impressions bizarres traversent ma tête.
J'ai mal. La douleur est insupportable mais pourtant je ne crie pas, je ne bouge même pas. Mon bras est lourd, il me semble que des milliers de fourmis parcourent mon corps et que leur fourmilière se trouve juste là où la petite m'a mordu.
Ca gratte, ça gicle, ça me démange.
Leurs pieds me frôlent, on dirait qu'ils visitent l'appartement, je crois les entendre parler. Ils discutent de la couleur des rideaux, se demandent ce qu'ils vont faire à manger ce soir, certains s'engueulent pour la vaisselle à faire... Ils blaguent, ils se moquent de moi, non je...
Arg, je meurs...


Je ne vois plus rien. Mes yeux sont ouverts, je le sens, mais je ne vois pas. De toute manière pas besoin, j'arrive à me guider sans.
Mes jambes sont lourdes, mes bras aussi. Je n'ai plus mal, je me sens même plutôt bien.
Je ressens une atmosphère amicale autour de moi, comme si j'étais en famille, parmi des amis. Personne ne me juge ou ne me regarde de travers, de toute manière leurs yeux sont déjà retournés.
Mes mouvements sont comme ralentis, je me sens comme un astronaute dans l'espace, c'est une sensation bizarre d'être lent mais d'avoir tout son temps.
Je la sens, elle est là à côté de moi, je peux entendre son souffle rauque. Attend-moi ! J'arrive !
Je me mets en marche, mes camarades aussi.
Ca sent la viande. La viande vivante.
Un de nous en a repéré, ils sont quatre, ils sont coincés dans un petit immeuble, ils ont déjà tué une dizaine de nos frères.
J'avance péniblement, on va les trouver, les débusquer et leur faire payer leurs crimes. Ces pauvres fous ne se rendent pas compte de ce qu'ils font, s'ils savaient ils nous auraient déjà rejoint depuis longtemps.
Comment peut-on encore vouloir vivre cette vie misérable ? Les miens sont arrivés pour prendre la relève, l'espèce humaine n'a plus sa place sur cette terre, ils ont perdu tout instinct de survie, de communication. Bientôt ils n'existeront plus, nous pourrons alors récupérer la terre, vivre en harmonie, sans conflit, nous ne nous battons pas, nous ne faisons pas la guerre. Les humains nous traitent de monstres, ils craignent notre violence et notre goût du sang, mais ce n'est que nécessité face à leurs attaques perpétuelles contre nous et notre environnement.
J'ai compris tout cela d'un seul coup, comme si je l'avais toujours su et que ça s'était révélé au moment de ma résurrection. Je crois que tous les humains sont déjà comme nous, certains ont plus de prédispositions, d'autre doivent être aidés quitte à les faire souffrir.
Nous avons essayé de leur montrer à quel point ils se trompaient, de leur dire de ne pas continuer dans cette voie, mais ils n'ont pas voulu écouter, ils n'ont pas voulu comprendre, alors nous sommes sortis de nos retranchements, nous avons enfilé nos tenues de combat et nous avons tranché, découpé, déchiré. Le sang a bien coulé, mais en faible quantité en vue de ce qu'ils réservaient au reste des vivants.
Aujourd'hui j'ai rejoins ceux qui seront mes frères, ceux qui partageront avec moi cette terre, sans volonté d'appropriation, sans besoin de destruction.
Mais il reste quelques-uns de ces anciens colons, ils s'accrochent à leurs normes, essayent de survivre et ne nous écoutent pas.
Je marche avec les miens, nous allons les aider, nous allons les tuer pour leur permettre de comprendre, de ne plus craindre le lendemain, nous allons leur donner un petit peu de nous-même, partager nos consciences, leur donner de l'amour.
Ils craignent pour leur vie, nous voient comme des horreurs, imaginent les pires souffrances... Les pauvres, nous ne pouvons pas les laisser dans le doute, rien n'est pire que de vivre sous tension permanente, autant mourir une fois et en se réveillant se rendre compte que tout cela n'était qu'idées préconçues et généralités abusives.
Nous ne sommes pas méchants, au contraire, nous voulons vous montrer à quel point nous aimons, nous aimons cette vie qui semble si menacée, nous aimons cette terre qui risque de mourir, nous vous aimons aussi, vous pauvres êtres humains, nous vous aimons tellement que vous devez mourir.

6 commentaires:

Rainesblue a dit…

purée ! c'est trop bien écrit ! et d'un réalisme très convaincant ! la transformation du héros en zombi est profond et la moral impeccable. j'adhère ! ça laisse penseur ! bravo à l'écrivain

Anonyme a dit…

une nouvelle passionante, qui porte le lecteur sur le fil du recit, et ne decoit pas.

Mille idées en surgissent, mille petites images qui voudraient en naitre.

Auteur de ce recit, je t'encourage a poursuivre, a en faire un roman complet.

Milun

Anonyme a dit…

moi je trouve sa vrmt bon a l'apporte la personne a pensser d'une autre facon ou a avoir une grande reflexion sur el fait d'etre zombie mais ces tres bien ecrit tu devrait continuer pour en faire un livre et ej serai le premier a lacheter ces vraiment passionnent

Anonyme a dit…

C'est vraiment terrible :)

Jé découvre ce blog absolument génial et cette nouvelle vraiment prenante.
(la fin est un peu longue et tourne en rond, mais en dehors de ça c'est vraiment bien écrit, captivant, réaliste etc...)
Si c'est toi, le tenancier de ce blog, qui l'a écrite... Hésite pas à en écrire d'autres, c'est un régal !!! (et si ça vient d'un autre site... Je veux bien un lien :D )

Zombie Killer a dit…

C'est bien moi, j'en mettrais d'autres à l'occasion, en tout cas merci pour les messages :)

Anonyme a dit…

J'ai adoré, continue. =)